"La voix c’est un instrument de musique, et les mots sont de la musique aussi…" Claude Nougaro

"J'ai l'audace de me considérer comme un poète, parce que la parole elle-même au niveau des mots, de leur couleur, déjà la parole doit chanter. C'est pourquoi j'aime la poésie classique parce qu'il y a des rimes et des rythmes. On dit d'un écrivain qu'il écrit, d'un peintre qu'il peint, d'un compositeur qu'il compose, on ne dit pas d'un poète qu'il poète... On dit qu'il compose, on dit qu'il chante. On emploie pour lui des métaphores qui reviennent au chant. Les poètes à l'origine ils chantaient. Dans les mots il y avait chez eux la volonté de les vocaliser, de les bucaliser. Avec cet art mineur qu'on appelle la chanson j'ai tout à fait trouvé ma voie." Claude Nougaro

"Il faut incarner le texte en y mettant de la chair, jouer du rubato, en abandonnant parfois la rigueur de la mesure" André Minvielle

Une chose est claire, qu’il faut préciser tout de suite et qui est formellement explicité dans le livret de ce disque, superbe, c’est que ce Nougaro n’est : "ni un hommage, ni un album de reprises. C’est une rencontre artistique et musicale. Une relecture de l’œuvre de Claude Nougaro, l’auteur selon trois points de vue qui se croisent, se côtoient et se mêlent pour faire naitre un objet sonore unique (...) c’est un souvenir et un cadeau."

Alors imaginez, la réunion de trois musiciens, trois artistes aussi remarquables que Babx (chant, piano, chœurs), André Minvielle (chant, wave drum, bouteille électrique) et Thomas de Pourquery (chant, saxophone, chœurs). La réunion de l’élégance, de la virtuosité, de la folie, de l’intensité. Une réunion de voix : rocailleuse, puissante et veloutée, douce et gracieuse. De la musique, des émotions.

Une réunion rare, créé à l’origine pour deux soirées dans le cadre du Marathon des Mots à Toulouse en 2014 et qui se poursuit pour quelques dates. On mesurera le côté exceptionnelle de ces soirées, histoire de garder vivant, profond cette réunion d’amis qui chantent un génie. Alors on goûtera ce disque à sa juste valeur et la chance de pouvoir l’écouter autant qu’on le veut. Et pour tourner sur la platine, il tourne énormément. Sans jamais perdre une seconde de son intérêt.

Ce n’est pas une surprise, le trio ne se satisfait pas d’interpréter une simple collection de tubes, ce serait presque l’inverse ("Pommier de Paradis", "Pantoufles à Papa", "K-you K-yaw", "La vie en noir", "C’est non !"), certains titres ici sont de la main de Minvielle) mais insuffle des interprétations lumineuses (le poignant "Rimes", "La pluie fait des claquettes" où les couplets sont partagés par les 3 chanteurs, "K-you K-yaw"...) tout en respectant leurs identités.

Ils ont ce sens du tempo, subtile et jubilatoire, ce savoir-faire instinctif et virtuose (très) à faire danser la musique, les mélodies, les harmonies, les rythmes (ça groove absolument : l’incantatoire "C’est non !" en est un exemple, quand cela ne donne pas de frissons) et les mots, ces "petits opéras portatifs". Pentes douces, volutes, angles droits, arabesques.

Pas une histoire d’égo, ces trois-là ont largement dépassé ce stade mais de la simplicité, de l’amitié, de la générosité, de la tendresse, de l’humour, de l’humanité, des émotions, de la poésie, tellement de musique et de mots... Un disque qui ne s’adresse pas uniquement au chanteur Toulousain mais à tous les amateurs de musique... sublime.